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  • Jardin potager de Raymond et Raymonde Berthoud à Bellecombe-en-Bauges - Massif des Bauges - Flore Giraud
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  • Jardin potager de Léon Bouvier à Bellecombe-en-Bauges - Massif des Bauges - Flore Giraud
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  • Récolte des pommes de terre, jardin de Léon Bouvier à Bellecombe-en-Bauges - Massif des Bauges - Flore Giraud
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  • Les légumes du potager en hiver - Préparation du gratin de cardons au lard par Armande Mugnier - Saint-Ours, Massif des Bauges - Flore Giraud
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  • Les légumes du potager en hiver - Préparation du gratin de cardons au lard par Armande Mugnier - Saint-Ours, Massif des Bauges - Flore Giraud
  • Les légumes du potager en hiver - Préparation du gratin de cardons au lard par Armande Mugnier - Saint-Ours, Massif des Bauges - Flore Giraud
  • Les légumes du potager en hiver - Préparation du gratin de cardons au lard par Armande Mugnier - Saint-Ours, Massif des Bauges - Flore Giraud
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  • Les légumes du potager en hiver - Préparation de la soupe de légumes par Ginette et René Ginollin - Aillon-le-Jeune, Massif des Bauges - Flore Giraud
  • Les légumes du potager en hiver - Préparation de la soupe de légumes par Ginette et René Ginollin - Aillon-le-Jeune, Massif des Bauges - Flore Giraud
  • Les légumes du potager en hiver - Préparation de la soupe de légumes par Ginette et René Ginollin - Aillon-le-Jeune, Massif des Bauges - Flore Giraud
  • Les légumes du potager en hiver - Préparation de la soupe de légumes par Ginette et René Ginollin - Aillon-le-Jeune, Massif des Bauges - Flore Giraud
  • Les légumes du potager en hiver - Préparation de la soupe de légumes par Ginette et René Ginollin - Aillon-le-Jeune, Massif des Bauges - Flore Giraud
  • Les légumes du potager en hiver - Préparation de la soupe de légumes par Ginette et René Ginollin - Aillon-le-Jeune, Massif des Bauges - Flore Giraud
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  • Les légumes du potager en hiver - Préparation de la soupe de légumes par Ginette et René Ginollin - Aillon-le-Jeune, Massif des Bauges - Flore Giraud

Savoirs du jardin potager dans le Massif des Bauges

("Faire son jardin")

Les pratiques de jardinage sont centrales dans la culture alimentaire du Massif des Bauges. La mémoire longue de ce pays de montagne transmet un patrimoine de savoirs et valeurs du potager, au fil de siècles apport majeur de nourriture pour les familles des Bauges. Pouvoir vivre avec son jardin constitue ici un idéal, fortement ancré. Malgré un déclin généralisé des pratiques de jardinage, les cortis, jardins proches des maisons, et les champs, par endroits appelés en patois chenevets, champs de haricots, choux et pommes de terre, sont toujours présents dans le paysage contemporain.
Si les champs ont largement régressé et par endroits disparu, les cortis restent vivants et variés : héritage résistant des anciennes formes de polyculture. Dans la société traditionnelle de la montagne agropastorale, les rôles et tâches du jardin se répartissaient selon une fondamentale solidarité des genres : les hommes préparent et béchent la terre, les femmes sèment, désherbent et récoltent.
Les habitants du massif préparent le jardin à la fin de l'hiver, sèment les graines au début du printemps, effectuent les soins nécessaires et réalisent les récoltes pour chaque espèce de plantes au printemps et en été ; les dernières récoltes, et notamment celle des semences, sont effectuées à l'automne, et enfin les légumes sont retournés, protégés dans le jardin ou « rentrés à la cave », en hiver.
Apparue dans les années 1950, la stérilisation est utilisée en Bauges comme moyen de conservation des produits du jardin. Cardons, haricots, blettes, tomates, oseille sont blanchis quelques minutes dans l'eau bouillante puis plongés dans l'eau salée dans des bocaux préalablement stérilisés. Prunes, cerises, poires, fraises, groseilles, framboises, coings sont transformés en gelées, confitures ou pâte de fruits, ou mis en bocaux comme fruits au sirop ou dans l’eau de vie.
La conservation par congélation est une technique plus moderne des années 1960. Les avis divergent quant au choix entre ces deux techniques, c'est le cas pour les haricots. “Les haricots, les rames, ils sont meilleurs au congèl que les nains”... Mais aussi de la façon dont on prépare les légumes en amont ou en aval de la congélation : crus ou à peine cuits (blanchis) avant congélation, plongés directement dans l'eau bouillante ou décongelés dans l'eau froide à la sortie du congélateur.
Dès les premiers gels, à partir du mois de novembre il est de coutume en Bauges de « rentrer le jardin à la cave ». Chez Raymond et Raymonde Berthoud à Bellecombe-en-Bauges, la cave, située près du corti, est aérée, humide et sombre mais bien exposée : les conditions de conservation des légumes y sont optimales. « Avoir une bonne cave » est, en effet, une garantie de continuité pour la production hivernale. Dès novembre, on replante dans des bassines de terre les blettes, céleris, choux, poireaux, salades et cardons. Ils y passeront l'hiver, arrosés de temps à autre, et blanchiront à l'abri de la lumière. “Au début de l'hiver, dans l'étable, on a des bassines, on met un peu d'eau dedans, on arrache les salades et on les replante dedans. On en a mangé jusqu'au mois de février l'année dernière. Et puis elles deviennent toutes blanches, elles sont bonnes...”. Les pommes de terre sont entreposées dans des cagettes. Carottes et betteraves sont enveloppées dans du papier journal ou conservées dans la sciure. Certains légumes restent parfois dans le jardin tout l'hiver, comme les choux et les poireaux que l'on sort chercher sous la neige pour la soupe. En hiver, la cave est un lieu de vie complémentaire à la cuisine, vivant au rythme de l’alimentation quotidienne. 
Avec l’arrivée du printemps, fin avril, le jardin est bêché et nourri au fumier. Les premiers semis et plantations se font en mai : pommes de terre, salades, blettes, poireaux, choux, betteraves, carottes, céleris, tomates, courgettes, courges, haricots nains et cardons, sans oublier les aromates et les fleurs. La terre doit être bien préparée : fine, aéré et riche en humus. Les semis se font à la volée ou en raies. Aux beaux jours, c'est aussi le retour des vivaces : menthe, ciboulette, thym, rhubarbe, framboises, fraises, groseilles, pivoines, jonquilles, narcisses, et lavandes. Les fleurs sont très importantes dans les pratiques locales.
À la saison d'été, il faut prendre soin du jardin : piocher, désherber, aérer la terre et éclaircir les parcelles. On sème des navets et des salades d'hiver que l'on replantera à la mi-août. On plante des haricots rames afin d'assurer une récolte plus tardive de haricots. L'été est le temps de la récolte. Les légumes du jardin sont ramassés au fur et à mesure des besoins. Avec l’arrivée du mois de septembre et l’approche de l'automne, les familles des Bauges préparent les conserves en bocaux et des légumes congelés pour la saison froide. Chacun choisit sa technique. Les discussions vont bon train entre haricots en bocaux ou haricots congelés, choux et poireaux replantés à l'abri du froid ou laissés au jardin.
Dans le cycle des saisons, le jardin assure une grande partie de l'alimentation familiale. Malgré l'évolution des modes de vie, les familles cultivent leur jardin et se nourrissent en suivant la saisonnalité. Légumes d’hiver et légumes d’été sont les grands repères alimentaires. À la belle saison, c’est un va et vient permanent qui relie le corti à la cuisine. Entre plats du quotidien et plats de fête, expérimentations et conseils glanés auprès des voisins, les légumes sont transformés selon des traditions et rituels culinaires spécifiques au territoire. Avec l’évolution des techniques de conservation, les débats sur les manières de conserver les aliments ne cessent de nous montrer les confins entre passé et présent, dévoilant les stratégies d’élaboration sociale des changements.
Les haricots sont omniprésents dans les discours et la mémoire de l'alimentation : ils dominent les imaginaires. Avant la révolution alimentaire liée à la diffusion de la pomme de terre, au XIX, ils constituaient la réserve de protéines permettant de se nourrir en hiver, “le haricot rame, il faut le mettre à la bonne lune. Si vous le mettez en lune descendante, ça ne grimpe pas, ça file…”. “Le haricot Saint-Sacrement, il est blanc et ça fait comme une espèce de cœur rouge au milieu”. Les plantations à la bonne lune, les couleurs changeantes, la légende du petit cœur rouge, empreinte qui remonterait à la Révolution, en font un protagoniste des récits. Séchées, leurs semences se transmettent de génération en génération.
La soupe est, au passé et au présent, le plat du quotidien. “Dès qu'il fait pas beau, on allume notre cuisinière et on fait cuire la soupe dessus. On la mange presque toute l'année, tous les soirs, comme beaucoup, on a gardé́ l'habitude…”. La soupe est liée au potager et porte les saveurs des saisons. L'été, on fait la soupe aux herbes fraiches, orties et pissenlits sauvages. L'hiver, la soupe aux choux, aux haricots, pommes de terre, poireaux, carottes, navets, oignons, et parfois au lard, le cochon étant la viande traditionnellement la plus consommée ici.
Les gratins au four et les préparations en plat sur le fourneau, ou à la poêle, sont d'autres façons de valoriser la production du jardin. La pomme de terre domine l'alimentation baujue. Préparée en gratin, selon la recette du gratin savoyard ; cuites à l'eau en robe des champs ou à la borbe, accompagnées d'une salade verte ; en farçon, plat du dimanche typique des Bauges ; ou en ravioules, croquettes de pommes de terre. 
Les blettes, choux, céleris, épinards, cardons mais aussi les plantes “sauvages” cultivées dans un coin du jardin comme l'oseille, sont préparés en gratin ou en plat, au fourneau. Dans la tradition, ils sont bien souvent agrémentés de farine, fromage, lait, crème ou châtaignes comme pour ces deux “plats de fête” : le gratin de choux aux châtaignes ; et le facemin, variante du farcement haut-savoyard à base de choux, pommes de terre, lard et châtaignes. Les plats d'oseille sont courants, pour en supprimer l'acidité, on trempe l’oseille dans l'eau froide après cuisson et on ajoute du sucre.
En hiver, on prépare le gratin de cardons : plat d'occasion et de fête. “L'hiver, c'était le temps des cardons, c'était formidable ! Les cardons, c'était sacré...”. Aujourd'hui moins cultivé, il est une fierté d’arriver à produire ses propres cardons pour Noël. Rentré à la cave à la Toussaint pour le faire blanchir loin des rayons du soleil afin d'attendrir sa chair, il est aussi souvent conservé par stérilisation en bocaux.
Associés au cochon, les légumes du jardin permettent de réaliser des recettes typiques tels que les pormoniers, saucisses aux herbes, blettes et épinards que l'on trouve dans le piémont est du massif, comme à Saint-Pierre-d'Albigny où ils sont consommés lors du passage de l'alambic, et les diots de choux, saucisses aux choux que l'on trouve principalement dans le « cœur des Bauges » . “Les choux, on les arrachait en octobre. On creusait dans le jardin, on tournait le choux sens dessus-dessous et on l'enterrait. Et ça se conservait jusqu'au mois de février, à l'époque où ils tuaient le cochon”.
Le cru est dominé par les salades. Toujours présente à l'entrée du repas, la salade verte fait partie de l'alimentation quotidienne, même en hiver où elle est conservée et blanchie dans la cave. Au printemps, les herbes et fleurs accompagnent les salades : pissenlits, mâches sauvages, cressons, fleurs de bourrache. L'été, haricots, pommes de terre, carottes, tomates ; l’hiver, betteraves, pommes de terre et poireaux sont préparés en salades.
Le jardin est lieu de transmission de variétés anciennes et paysannes. “Les crochets de Savoie, ils sont crochus. Moi je fais encore les gros haricots, les Soissons…”. Au cours du dernière siècle, la modernisation de l'agriculture et la sélection des variétés ont entraîné une chute de la biodiversité cultivée. Pour autant, certaines familles maintiennent des variétés locales, et des réseaux de jardiniers s'organisent pour échanger des semences. « Ah ben les Crochets de Savoie ! C'est une race qui se perd ça...  Alors il y a Grelin, qui est marchand de graines, qui les conserve. Un vieux pépé qui lui fait tout un grand champ de haricots, qui lui donne sa semence… ». La continuité de ces pratiques est une forme de résistance des anciennes pratiques de jardinage.
Dans le Massif des Bauges, les savoirs du jardin se transmettent de génération en génération. Amis, parents, voisins se dévoilent les secrets et bonnes pratiques du potager. Lieu de passion, de beauté et de bien-être, le jardin est un lieu d'échange, favorisant les connaissances de la nature, l’équilibre alimentaire et les liens sociaux, au fil de saisons. « Comme tout le monde, on met notre nez dehors, on laisse la vaisselle, on va dans le jardin ou dans les fleurs. Moi je laisserais à balayer mais le jardin... on y passerait notre vie. On adore le jardin ! C'est notre vie. Je pense que pour se calmer, pour être bien dans sa peau, il faut aller dans le jardin… »

NOTICES HISTORIQUES ET CRITIQUES

Au cours de l'histoire, le Massif des Bauges a connu des périodes de bouleversement démographique et de modernisation qui ont impacté l'évolution des pratiques de jardinage. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le territoire est très peuplé. Rien que le cœur des Bauges compte entre 7000 et 8000 habitants. La population y vit dans une situation de relatif isolement ; les échanges se font de l'intérieur vers l'extérieur. Les baujus exploitent au maximum les espaces pour l'autoconsommation : cultures de céréales, champs de légumes (chenevets en patois, nom dérivé des champs de chanvre) et légumes au jardin (corti). La mappe sarde de 1727-28, premier cadastre européen, montre que tous les prés sont en culture. Les travaux aux champs se font en famille. Le corti est le domaine de la femme, le champ celui de l'homme. « Le jardin, il était en bas de la maison, puis en bas dessous, au chevenet ils mettaient des choux, des betteraves, des fayots… à l’origine c’était pour mettre le chanvre. Les légumes, on les rentrait à la cave, c’était frais, on les enterrait, on les recouvrait de terre… on conservait les choux dans le jardin ». L’essentielle de l'alimentation paysanne est à base de soupe de légumes, surtout de raves, cuite dans l'âtre ou le bronzin. On y ajoute des céréales, du pain, des pissenlits, etc. Il y a encore peu d'espèces de légumes : carottes, poireaux, navets, salade, choux... La semence est reproduite d'année en année ou achetée à des marchands de graines de passage.
À la fin du XVIIIe - début XIXe, la population du cœur du massif a augmenté : 15 000 à 20 000 habitants. L'introduction de la pomme de terre, ou tufer en patois, et l'arrivée du fourneau à partir des années 1850 détermine un profond changement dans l'alimentation paysanne. Au début la pomme de terre n'est qu'un additif pour la soupe car elle est longue à cuire. Avec l'apparition du fourneau, elle devient la matière première la plus consommée de la cuisine paysanne. Dès lors, elle joue un rôle majeur dans l'alimentation, supplantant le haricot qui jusque-là dominait l’alimentation. “On faisait des champs entiers de pommes de terre”. Elle est cultivée dans les cortis et en grandes quantités dans les champs, au côté des haricots et betteraves fourragères. Elle est préparée de différentes manières. Facile à conserver, la pomme de terre permet d’atteindre une sécurité alimentaire en montagne. “Les pommes de terre, on les faisait d'une année sur l'autre. On avait une variété́ qui s'appelait les Rubines. On les fendait en deux, on les mettait sécher au soleil et ça les faisait germer”.
À partir de 1848 et jusqu'à la fin du XXe, le massif est marqué par un fort exode rural. Ceux qui n'ont rien s'en vont vers les grandes villes pour trouver du travail. Dans ce contexte de forte dépression, les baujus se nourrissent exclusivement de leurs productions. Ils ne gaspillent rien et réutilisent systématiquement les restes, en cuisine ou pour nourrir les animaux. En temps de guerre, les paysans sont les mieux lotis puisqu'ils produisent leur propre nourriture. Les gens des villes viennent jusque dans la montagne pour troquer leurs objets et vêtements contre des aliments. En 1975, le cœur du massif ne compte plus que 3300 habitants.
Au milieu du XXe siècle, la modernisation agricole engendre de forts changements. Les travaux sont facilités par de nouvelles machines agricoles, comme la batteuse, les tracteurs, et le motoculteur au jardin. Désormais, les épiciers et quincaillers proposent à la vente des semences potagères sélectionnées. Certains se spécialisent dans le domaine comme la famille Grelin à Arbin. La reproduction des semences devient une pratique marginale et réglementée. En un siècle la biodiversité cultivée diminue drastiquement. Les anciens évoquent des variétés disparues, comme certains haricots rames. De nouvelles espèces cultivées en basse altitude sont introduites en montagne, comme la tomate, la courgette et le poivron, quasiment absents des mémoires. Alors que la conservation en cave et dans la saumure étaient les seules techniques de conservation utilisées, l'apparition de la stérilisation et de la congélation, dans les années 1950-60, va bouleverser les habitudes alimentaires. “Autrefois, il y avait la salaison. Je revois ma mère mettre les haricots au saloir”. Certains légumes étaient conservés dans la saumure dans des toupines en terre cuite. Les courges étaient stockées dans l'écurie ; les haricots enfilés et mis à sécher sur un fil ; les pommes, poires et oignons, pendus en pinglions dans la cuisine, tresse reliée avec du raphia. La cave reste encore aujourd'hui très utilisée dans le massif. Enfin, les écoles ménagères, dans les années 1950-60, vont entamer, en France et dans les régions, un processus de nationalisation de la cuisine et d'uniformisation des pratiques alimentaires.

APPRENTISSAGE ET TRANSMISSION

Les connaissances et savoir-faire du potager traditionnel se sont transmis jusqu'à aujourd'hui et se transmettent de nos jours dans le cadre familial ou de voisinage. « Tout jeunes on travaillait dans les champs. Je pensais à ça un soir, nos petits-enfants ils font rien du tout. Mais moi je sais que je suivais toujours mon père et je l'aidais à désherber. Toute petite, j'avais ma petite pioche et j'allais passer ma journée avec lui à casser des mottes de terre, à trier les racines. Ça m'est resté, j'aime beaucoup la terre ». Suzanne Petit-Barat nous raconte son enfance et l’initiation au travail de désherbage depuis toute petite, à l’origine de son amour pour la terre. Elle compare son expérience à celle de ses petits-enfants. La mémoire du jardin est aussi mémoire d’un lien fort entre les générations, avec ces mamies et papis qui tenaient la cuisine et le jardin.
Les mémoires  transmettent les images des grands-mères assises devant les maisons, gardiennes de la cuisine et du jardin. « Et devant chaque maison il y avait un pépé ou une mémé assise qui était là, immobile, et qui regardait. Et dans chaque maison, il y avait toujours une grand-mère qui faisait la cuisine. Moi j'ai le souvenir de ma grand-mère qui épluchait ses échalotes, qui allait au jardin chercher son persil, qui revenait… ». Ces images et ces évocations paysagères transmettent un système de valeurs. Les allers-retours de la grand-mère de la cuisine au jardin, incarnent le lien profond entre ces deux milieux de vie : le corti et la cuisine, lieux de l’alimentation familiale et de la transmission des savoirs entre les générations. Bien souvent, la transmission des savoir-faire de culture et de conservation à la cave se transmettent de père en fils ou de grand-père en petit-fils ; et celle de la conservation et transformation en cuisine des produits du potager, de mère en fille ou de grand-mère en petite-fille. Dans le massif, la transmission des savoirs du potager traditionnel se fait aussi entre jardiniers d'un même village. Souvent les jardiniers amateurs et novices demandent conseils aux anciens jardiniers, héritiers d’une longue mémoire.
Aujourd’hui les communautés sont impliquées dans la transmission des savoirs du potager, on peut notamment citer :
- Des familles du massif qui ont maintenu les savoir-faire de culture, de conservation et de transformation des légumes, propres au territoire et à ses conditions géographiques et climatiques. C'est le cas par exemple de la famille Berthoud, à Bellecombe-en-Bauges, Lombard à Lecheraines, Duperier à Jarsy, Guérin à Arith, Ferrand à Ecole, ou encore des familles Dumoulin et Fressoz à La Compôte
- Les professionnels, à travers leur activité, transmettent aussi les savoirs du jardin : les grainetiers Grelin à Arbin ; le Jardin de Flora, horticulteurs, producteurs de plants, à Bellecombe-en-Bauges ; des maraîchers tels que les Bau' Jardins à La Compôte ; la Ferme de l’Abeille Verte au Châtelard ; la Ferme de la Bâtie, à Curienne ; Pascal Gay au Montcel ; Simon Duisit, à Chainaz-les-Frasses ; Les jardins de la Court, à Gruffy ; Les jardins à Emporter et Les jardins du Taillefer à Doussard ; David Dufour-Fontaine à Viuz-la-Chiesaz ; La ferme lombricoles des Savoie à Montmélian, Maurice Pichon à Cruet…
- L'association Cyclamen 74 (protection des milieux naturels et de la biodiversité) se questionne depuis plusieurs années sur l’implantation de l’agriculture bio dans le secteur de l’albanais et sur des modes de culture plus respectueux de l’environnement. Afin de promouvoir une autre façon de jardiner, l’idée a germé de proposer un troc plantes, né en 2006, avec comme fondement l’échange de plants, de plantes, de boutures, de recettes.
- Catherine Tournier, engagée dans le mouvement Femmes Semencières.
- le blog Cultures Bio /Jardin & Cuisine Bio, Newsletter de Jacques Bouchet (à Montailleur), directeur de la rédaction du site Culturesbio.org, pour la promotion et l’accompagnement du jardinage et de la cuisine biologique.
- L’association “Les Incroyables comestibles” dans le secteur d’Annecy, un collectif citoyen souhaitant re-créer en ville des jardins comestibles, encourager des pratiques de jardinage naturel ouvertes à tous, afin de sensibiliser à la sauvegarde des semences paysannes et au plaisir de faire ensemble.

COMMUNAUTÉ

Les communautés, groupes et individus concernés par les pratiques du potager traditionnel sont souvent des familles du massif qui ont maintenu les savoir-faire de culture, de conservation et de transformation des légumes, propres au territoire et à ses conditions géographiques et climatiques. C'est le cas par exemple de la famille Berthoud à Bellecombe-en-Bauges, Lombard à Lecheraines, Duperrier à Jarsy, Guerin à Arith, Ferrand à Ecole, ou encore les familles Dumoulin et Fressoz à La Compôte. Le jardin est si important que certaines familles originaires du massif, vivant désormais en ville, s’organisent pour pouvoir garder un lopin de terre en Bauges où venir jardiner à la belle saison.
Des néo-ruraux, arrivés dans le massif à partir des années 1980, pratiquent des techniques de jardinage modernes ou plus récemment expérimentées, souvent inspirées de l’agroécologie ou de la permaculture. C'est le cas de trois nouveaux maraichers récemment installés à La Compôte, “Les Bau'Jardins”.
Les échanges de savoir-faire et de pratiques entre “anciens” et “nouveaux” jardiniers sont fréquents. Il existe aussi sur le territoire plusieurs exemples de jardins partagés, dans lesquels les habitants d'un hameau ou village se retrouvent pour jardiner ensemble, échanger et expérimenter les différentes façons de faire.
Les professionnels, à travers leur activité, transmettent aussi les savoirs du jardin : les grainetiers Grelin à Arbin ; le Jardin de Flora, horticulteurs, producteurs de plants, à Bellecombe-en-Bauges ; des maraichers tels que les Bau' Jardins à La Compôte, la Ferme de l’Abeille Verte au Châtelard, la Ferme de la Bâtie à Curienne, Pascal Gay au Montcel, Simon Duisit à Chainaz-les-Frasses, Les Jardins de la Court à Gruffy, Les Jardins à Emporter et Les Jardins du Taillefer à Doussard, David Dufour-Fontaine à Viuz-la-Chiesaz, La Ferme Lombricole des Savoie à Montmélian, Maurice Pichon à Cruet, etc… Les activités de maraichage sont en fort développement sur le territoire.
À signaler, parmi les acteurs associatifs :
- L'association Cyclamen 74 (protection des milieux naturels et de la biodiversité) se questionne depuis plusieurs années sur l’implantation de l’agriculture bio dans le secteur de l’Albanais et sur des modes de culture plus respectueux de l’environnement. Afin de promouvoir une autre façon de jardiner, l’idée a germé de proposer un Troc aux Plantes, né en 2006, avec comme fondement l’échange de plants, de plantes, de boutures, de recettes.     
- Catherine Tournier, engagée dans le mouvement Femmes Semencières.
- Le blog Cultures Bio /Jardin & Cuisine Bio, la Newsletter de Jacques Bouchet à Montailleur, directeur de la rédaction du site Culturesbio.org, pour la promotion et l’accompagnement du jardinage et de la cuisine biologique.
- L’association “Les Incroyables Comestibles” dans le secteur d’Annecy, un collectif citoyen souhaitant (re)créer en ville des jardins comestibles, encourager des pratiques de jardinage naturel ouvertes à tous, afin de sensibiliser à la sauvegarde des semences paysannes et au plaisir de faire ensemble.

ACTIONS DE MISE EN VALEUR

Diverses actions sont mises en place par les communautés, groupes et individus concernés par les savoirs du jardin.
Il faut tout d’abord évoquer la continuité des pratiques de jardinage, véritable passion locale.
Certaines initiatives sont le signe d’un renouveau de la population et d’une volonté de renouer les liens avec une nature nourricière :
- la création d'une grainothèque à l'épicerie bio et locale, Croc' Bauges, à Lescheraines, projet porté par l’association Biobauges et par les jardiniers de l’association Cyclamen 74.
- la création d’une grainothèque à la Médiathèque de Faverges, inaugurée en juin 2015. La Médiathèque organise également des trocs de graines et des conférences (par exemple « Semence et biodiversité, le retour de la nature dans nos jardins », par Pascal Gay en 2015).
- les trocs de plants et de graines entre particuliers, dans le cadre de journées organisées par des associations (les “Troc Nature” organisés par l'Association Cyclamen à Héry-sur-Alby depuis 2006 ; le Troc des Rencontres Nature à Saint-Jorioz, organisées par Rive Ouest Environnement ; le troc de graines et de plants organisé par le Château des Allues à Saint-Pierre-d'Albigny.
- les journées portes ouvertes aux jardins du Château des Allues à Saint-Pierre-d'Albigny, grand potager bio en carrés.
- la création de jardins partagés entre habitants, comme à Saint-Offenge (Association Les Co-Créateurs de Saint-Offenge), Héry-sur-Alby, Lescheraines ou Le Châtelard.
- des rencontres régulières autour de la permaculture sont organisées dans le secteur d’Albertville (les « Perm’apéro »).
- le réseau de Gardiens de Semences créé autour d'Albertville, par le mouvement Femmes Semencières.
- L’association Les Incroyables Comestibles du bassin annécien, qui a créé des jardins potagers dans le village d’Héry-sur-Alby, lors du Troc Nature.
- le “Festival des Jardins Alpestres” organisé par la Ville d'Albertville, en 2018 (première édition), regroupant des ateliers, animations, projections, expositions, balades, visites de jardins.
- Le “Festival des jardins alpestres” organisé par la Ville d'Albertville, en 2018 (première édition), regroupait des ateliers, animations, projections, expositions, balades et visites de jardins. En 2019, les témoignages des habitants et jardiniers des Bauges ont fait l’objet d’une intervention publique, lors d’un café débat dans le cadre du Festival.

MESURES DE SAUVEGARDE

En 2014, dans le cadre du Master 1 Études Rurales à l'Université Lumière Lyon 2, Cyprien Durandard a réalisé son stage au Parc du Massif des Bauges, sur le thème du jardin potager comme médiateur du développement territorial.  Lors de son travail d’enquête, il a réalisé 34 entretiens auprès d’une cinquantaine de personnes, et de courtes observations participantes. Il a rencontré 34 jardiniers du Massif des Bauges. Le projet, soutenu par la Région Rhône-Alpes et la DRAC, s'inscrit dans le cadre d'un partenariat entre le Parc et l'Université Lyon 2 autour des patrimoines immatériels. Plusieurs thématiques se sont dégagées de ces enquêtes : le jardin comme médiateur, créateur de liens sociaux (jeunes/anciens ; anciens et nouveaux habitants), la transmission des savoirs, le jardin comme lieu d'expérimentation, la biodiversité domestique (anciens légumes oubliés, semences...), le rôle de la femme dans la transmission des savoirs du jardin et les recettes traditionnelles.
Un café-débat « Savoir-faire ordinaires au jardin » a été organisé par le Parc Naturel Régional à Ecole, en novembre 2014, avec Claire Delfosse, géographe, François Portet, ethnologue et Cyprien Durandard, pour partager ce travail avec les habitants. Ce fut une soirée très riche en échanges et témoignages (enregistrée et rediffusée par Radio Alto 94.8).
En 2017 une carte postale audiovisuelle sur le jardin a été réalisée par le Parc avec la contribution de la réalisatrice Mathilde Syre : il s’agit d’un court-métrage visant à sensibiliser et valoriser un élément du patrimoine culturel immatériel à travers des témoignages et documents d’archive.
En 2018, dans le cadre du projet européen Alpfoodway, une exposition temporaire et itinérante sur la culture alimentaire du massif, « Des histoires plein l’assiette » a été réalisée, afin de valoriser les patrimoines locaux et les apports des habitants impliqués dans le travail d’identification, documentation et sauvegarde. Le jardin figure parmi les thèmes traités par l’exposition.
L’inscription dans l’inventaire intangiblesearch et dans l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel est une mesure de sauvegarde, à l’échelle nationale et à l’échelle internationale, alpine.

Biens immatériels associés

Savoirs de la cueillette dans le Massif des Bauges

Pour en savoir davantage

Bibliographie

  • Lapiccirella-Zingari Valentina
    Des espaces en récit. Parcours du temps à la Compôte en Bauges. Réflexions sur l'interprétation du patrimoine rural. Rapport d'étude ethnographique
  • Ala Silvia, Lapiccirella-Zingari Valentina, Parc Naturel Régional du Massif des Bauges
    Savoirs et pratiques alimentaires et culinaires dans le Massif des Bauges (Savoie et Haute-Savoie) - Rapport de recherche dans le cadre de l’appel à projet du Ministère de la Culture
    PNR du Massif des Bauges 2017
  • Loyrion Maïté
    Le patrimoine culturel immatériel, une nouvelle ressource pour le développement territorial. Le cas de l'inventaire des savoirs et pratiques alimentaires et culinaires dans le Parc Naturel Régional du Massif des Bauges. - sous la direction de Claire Delfosse
    Université Lyon 2 2016
  • Duperier Juliette
    Des façons d’être à la façon du patrimoine. Patrimoines culturels immatériels alimentaires au Parc Naturel Régional du Massif des Bauges - sous la direction de Nicolas Adell
    Université Toulouse Jean-Jaurès 2018
  • Société Savoisienne d‘Histoire et d‘Archéologie, Parc Naturel Régional du Massif des Bauges
    Les Bauges entre lacs et Isère
    La fontaine de Siloé 2004
  • Parc Naturel Régional du Massif des Bauges
    Cueillette de mémoires. Histoires d’hommes et de plantes en Bauges et Chartreuse
    Jardins du Monde Montagnes 2012
  • Loyrion Maïté
    Recueil de retranscriptions d'enquêtes sur les savoirs et pratiques alimentaires du Massif des Bauges

Biens matériels

Les éléments matériels liés au patrimoine du potager traditionnel dans le Massif des Bauges sont les cortis, petits jardins jouxtant les maisons traditionnelles, situés à proximité de la cuisine et souvent protégés d’un mur ou d’une clôture, les caves traditionnelles et les outils de jardinage : pioches, bèches, pelles, râteaux, plantoirs, paniers, brouettes, motoculteurs, machines de jardinage, etc... Dans les caves, les saloirs en pierre, et toupines, grands récipients en terre cuite qui servaient de saloirs, sont parfois encore utilisés. Des grandes bassines en plastiques, en métal ou en bois sont utilisées pour replanter les légumes à la cave. L’usage d’anciens outils aux manches en bois, fabriqués à la main, est toujours d’actualité. Certains outils bien particuliers, comme « la Grelinette », ont été́ inventés dans le massif par des jardiniers plein d’imagination et de compétences. Cet outil particulier, dont l’originale a été brevetée et fabriquée de manière artisanale par M. Grelin, « grainetier » (producteur de semences) à Arbin, est aujourd’hui diffus dans tout le département de la Savoie et au-delà.

Fiche réalisée par

Parc naturel régional du Massif des Bauges - - Maite Loyrion

Superviseur Scientifique

Valentina Lapiccirella Zingari

Date de publication

21-FEB-2019 (Maite Loyrion)

Dernière mise à jour

25-SEP-2019 (Agostina Lavagnino)

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